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Cryptomonnaies

Faut-il privilégier les plateformes régulées pour investir ?

Les plateformes de négociation en cryptomonnaies ciblant les Français ont l’obligation de s’enregistrer auprès de l’Autorité des marchés financiers. Mais les plus grandes plateformes n’y figurent pas encore. Quelles conclusions en tirer pour les particuliers qui investissent ou veulent se lancer dans les monnaies numériques ?

Depuis leur première grande envolée de décembre 2017, le bitcoin et les autres cryptomonnaies ont attiré l’attention des investisseurs, mais aussi… du législateur, qui a instauré deux cadres en 2018 et 2019. Le premier, fiscal avec la loi de finances pour 2019 : les plus-values dégagées par les investisseurs particuliers lors de la vente d’actifs numériques contre des monnaies ayant cours légal (euro, dollar…) sont, depuis, soumises à un nouveau régime d’impôt sur le revenu et doivent donc être déclarées tous les ans aux services fiscaux, ainsi que les comptes d’actifs numériques détenus à l’étranger.

Le second, juridique avec la loi Pacte, avec l’obligation pour les prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) de s’enregistrer auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF). Elle concerne toutes les plateformes proposant l’achat et la vente de cryptomonnaies, mais aussi leur conservation si elles sont basées en France ou destinent leurs services aux investisseurs français.

Un cadre renforcé et une date butoir – théorique ‒ au 10 juin

« Dans le cadre du renforcement de la lutte antiblanchiment et antiterroriste, une ordonnance du 9 décembre 2020 et deux décrets du 2 et 15 avril 2021 sont venus consolider ce cadre en élargissant cette obligation aux plateformes de négociation d’actifs numériques proposant l’échange de crypto à crypto, précise Michelle Abraham, avocate d’affaires, traitant de dossiers liés aux cryptomonnaies et à la blockchain. Ce durcissement intervient notamment pour répondre aux travaux du Gafi, du G7 et du G20 et dans le cadre du développement des stablecoins, ces cryptomonnaies stables puisque adossées à une monnaie ayant cours légal (le dollar en particulier) ou à d’autres actifs numériques ou non, et qui posaient problème puisque tout un champ de l’écosystème échappait à la réglementation. »

Ces stablecoins, comme le Tether (USDT) ou l’USD Coin (USDC), disponibles sur quelques plateformes, sont notamment utilisés par certains investisseurs pour mettre à l’abri leurs éventuelles plus-values sans avoir à subir les soubresauts des cryptoactifs classiques et surtout, de ne pas les déclarer au fisc. Les acteurs concernés avaient jusqu’au 10 juin dernier pour se mettre en règle.

Quelles sont les plateformes de cryptomonnaies régulées en France ?

Seuls 17 prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) ont pour l’instant vu leur enregistrement validé par l’AMF, qui publie leur liste sur une page dédiée. Parmi elles, quelques-unes s’adressent aux investisseurs particuliers. On retrouve les plateformes de négociation françaises pionnières Coinhouse et Paymium, les plus confidentiels Deskoin et StackinSat ou les bureaux de change le Comptoir des cybermonnaies et Bitcoin Avenue. Seules deux plateformes étrangères y figurent : Bitpanda (Autriche) et Litebit (Pays-Bas).

En revanche, nulle trace des plus populaires des plateformes de négociation en cryptomonnaies mondiales comme Coinbase, Binance, Kraken ou Bitfinex. Rien d’illégal jusque-là puisque ces courtiers ne ciblent pas directement le public français. Binance aurait toutefois déposé un dossier auprès de l’AMF en décembre dernier selon son patron, Changpeng Zhao. Quant à Crypto.com, un autre mastodonte, il a eu la mauvaise surprise de se retrouver inscrit sur la liste noire des sociétés déconseillées ou frauduleuses de l’AMF en avril dernier pour avoir promu ses services auprès des résidents français sans avoir montré patte blanche. La sanction a fait réagir l’entreprise qui annonce sur son site qu’une demande d’enregistrement est en cours depuis mai auprès du gendarme de la Bourse, ce dernier l’ayant sorti de sa liste noire. 

« La loi est récente et l’industrie assez nouvelle, y compris pour le régulateur, qui met du temps à traiter les dossiers », indique Giulia Mazzolini, directrice de Bitpanda France dont l’enregistrement auprès de l’AMF a pris un peu plus de 6 mois. La liste des prestataires agréés devrait donc s’enrichir au cours des prochains mois.

Investir sur une plateforme enregistrée, ça apporte quoi ?

« Dans le domaine des cryptomonnaies, de nombreuses plateformes ne s’adressent pas spécifiquement à un public français, leur interface est notamment en anglais, la réglementation française n’est donc pas nécessairement applicable, ce qui veut dire qu’en cas de problème, il faut se retourner vers l’autorité du pays de domiciliation, si elle est compétente, précise Michelle Abraham. À l’inverse, un particulier client d’une plateforme enregistrée pourra plus facilement se tourner vers l’AMF et notamment faire intervenir son médiateur en cas de litige persistant. Dans le cas d’une société européenne enregistrée auprès de l’AMF, le médiateur pourra assister les investisseurs français pour saisir le médiateur géographiquement compétent dans l’Union européenne. »  

Les plateformes étrangères validées par l’AMF ont toutefois dû se conformer aux conditions drastiques imposées pour l’enregistrement français : respect de règles en matière de ressources financières et d’organisation et de bonne conduite (donner une information claire au client, faire signer une convention…). « Ce tampon français signifie que les clients peuvent investir en toute confiance, argumente Giulia Mazzolini. Par ailleurs, tout le contenu de notre site est traduit en français (interface et contenus pédagogiques sur l’investissement en cryptomonnaies) et nous avons mis en place un service client spécialement dédié aux hexagonaux. »

Reste que si une fraude avérée est constatée, « l'AMF peut retirer le PSAN étranger de la liste blanche et le mettre dans la liste noire... ce qui est aussi un moyen pour obliger les prestataires à respecter la réglementation », précise Michelle Abraham.

Être sur une plateforme non enregistrée, est-ce hors-la-loi ?

Avec cette réglementation, les investisseurs français clients d’une plateforme internationale ne sont pas tenus à transférer leurs cryptomonnaies vers des plateformes réglementées. « Les avoirs des clients d’acteurs non enregistrés ne sont pas bloqués et gelés par les autorités. Ils peuvent donc en demander le transfert vers un PSAN enregistré s’ils le souhaitent », nous précise l’AMF.

Un investissement toujours à haut risque

Le bitcoin aurait fait gagner aux Français 500 millions d’euros en 2020, selon la société Chainalysis, un cabinet spécialisé dans l’analyse des blockchains, ces registres de transactions sur lesquelles s’appuient les cryptomonnaies. Un chiffre qui témoigne que la « bitcoinmania » n’épargne pas l’Hexagone. Preuve en est : 3 % des Français disent avoir déjà réalisé un placement en bitcoin, ether ou autres cryptoactifs et 14 % aimeraient investir dans cette classe d’actifs selon un sondage Ifop pour le site spécialisé The Cointribune réalisé en février dernier.

Mais attention, ce placement est parmi les plus risqués. Notamment quand le marché s’emballe, comme en avril où le bitcoin a atteint un pic historique de 64 912 dollars avant de chuter aujourd’hui à moitié moins. « Pour les nouveaux investisseurs, l’important est de se former avant d’investir et de ne pas se laisser influencer, notamment par de pseudo-conseils sur les réseaux sociaux », souligne Giulia Mazzolini. « N’investissez que l’argent que vous êtes prêt à perdre, met en garde Michelle Abraham et surtout, soyez vigilants : les arnaques liées à des services fictifs de vente de bitcoins ou d’autres cryptomonnaies sont nombreuses et ruineuses. » Son conseil : fuir les personnes qui vous appâtent sur Internet et vous relancent par téléphone avec insistance. Autre réflexe : consulter la liste noire de l’AMF qui recense toutes les plateformes douteuses. Et enfin, bien vérifier que l’enregistrement auprès de l’AMF est réel, car les escrocs n’hésiteront pas à se prévaloir de l’obtention de ce sésame pour ferrer leurs victimes.

Élodie Toustou

Élodie Toustou

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