BILLET DE LA PRÉSIDENTE
Complémentaires santé 

Retrouver ses esprits

Notre communication de la semaine dernière sur l’inflation subie par les assurés des complémentaires santé n’est pas passée inaperçue auprès de la profession ! Il faut dire que le constat est douloureux : les consommateurs couverts par un contrat individuel ont subi, entre 2020 et 2021, une augmentation médiane de leur cotisation de 4,3 %. Difficile à absorber pour beaucoup, particulièrement chez les personnes âgées dans la mesure où les tarifs sont plus élevés à mesure que l’on vieillit, et alors que le pouvoir d’achat ne devrait progresser que de 1,5 % cette année.

De là à déclencher la foudre des lobbies assurantiels, et mutualistes en particuliers ? Insinuations douteuses, injures à peine déguisées, attaques personnelles… on a eu droit au grand jeu. Mais laissons les choses basses mourir de leur propre poison, et concentrons-nous sur le fond. Deux questions méthodologiques ont été soulevées, qui méritent que je m’y arrête.

Tout d’abord la question de l’échantillon. On nous reproche d’avoir mesuré l’inflation sur un échantillon de 623 contrats adressés par des consommateurs à la suite d’un appel à témoignages. C’est un échantillon, nous ne l’avons pas caché, notre méthodologie est publique. Pourtant, sa représentativité n’est pas mineure : ces contrats couvrent, excusez du peu, 123 organismes complémentaires différents, dont la totalité des vingt premiers acteurs de la place. Et il s’agit d’augmentations bien réelles, avec avis d’échéances pour preuves ! La Fédération nationale de la mutualité française (FNMF), quant à elle, communique sur un échantillon de 32 mutuelles, dont on ignore le nom et les critères de choix (les moins inflationnistes, peut-être ?). Et s’appuie seulement sur des déclarations, avec des chiffres ni vérifiés, ni certifiés. Une méthodologie qui a de l’intérêt, sans aucun doute, mais dont les limites évidentes devraient appeler à un peu de modestie dans la critique.

Ensuite, la question de la méthode de calcul de l’inflation. En la matière, deux approches existent. Celle des professionnels, qui calculent les augmentations de tarifs pour un assuré d’un âge donné. Par exemple, comparer le tarif 2021 pour une personne de 60 ans, au tarif 2020 pour une personne de 60 ans également. Fort bien. Mais cet assuré de 60 ans en 2020 aura, dans le monde réel, 61 ans en 2021. Par conséquent, si l’on veut connaître l’augmentation de la cotisation que paie cette personne entre 2020 et 2021, il convient de comparer son tarif 2020 (à 60 ans, donc) à son tarif 2021 (alors qu’il aura 61 ans). Donc à l’augmentation générale des primes, il convient d’ajouter l’inflation liée à l’âge1 pour obtenir l’évolution des cotisations payées par les consommateurs ; c’est ainsi que l’UFC-Que Choisir calcule.

En clair, nous ne parlons pas de la même chose. Les professionnels calculent une augmentation de l’offre, intéressante mais théorique, qu’aucun assuré ne connaîtra, à moins d’avoir trouvé la formule de l’élixir de jouvence. Pour notre part, association de consommateurs, nous cherchons à connaître non un chiffre théorique, mais la réalité de l’évolution des cotisations subie par les assurés ; celle qui est prélevée chaque mois sur leur compte en banque. Que m’importe de savoir ce que j’aurais payé comme cotisation, si seulement j’avais arrêté de vieillir ?

Une fois ces éléments clarifiés, je voudrais appeler les représentants des complémentaires santé à l’apaisement. Et tout particulièrement les mutuelles, dont le modèle non-lucratif et représentatif est proche de celui d’une association comme la nôtre. Plutôt que de nier les augmentations de cotisations subies par les consommateurs (appels de cotisations à l’appui), elles seraient plus inspirées de se concentrer sur leur raison d’être, ce que leurs adhérents attendent d’eux. Prenons un exemple d’actualité : la « taxe covid » imposée par le gouvernement est inférieure aux économies réalisées par les complémentaires du fait de la crise2. Pourquoi, dans ces conditions, seules certaines mutuelles se sont engagées à ne pas répercuter cette taxe sur leurs adhérents, quelques-unes allant même jusqu’à geler leurs tarifs ?

Il est bien beau de porter les valeurs mutualistes en étendard sur Twitter, encore faudrait-il s’assurer que toutes les entités revendiquant ce statut les respectent, et concentrer les reproches sur celles qui en dévient plutôt que sur une organisation qui fait proprement et en transparence son travail de lanceuse d’alerte.

1 Selon les organismes, cet effet âge est répercuté de manière lissée, chaque année, ou par tranches d’âge plus brutales

2 1,5 milliard d’euros sur deux ans dont 1 milliard payé en 2021, contre 2,2 milliards économisés

Alain Bazot

Alain Bazot

Président de l'UFC-Que Choisir

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